Festival À Domicile

 

Laisser le ciel conduire

 

Le premier projet chorégraphique que jai signé en tant quauteur a été fait en 2012. Il sagissait dun solo, Ciel. Pour le construire, jai mis en place un travail dimagination qui consistait à danser des états de pauvreté vécus par des humains que je ne voyais plus depuis que je suis arrivé en France. Javais quitté le Brésil pour faire des études en France. Mes pratiques de création pour ce solo tournaient autour du désir de peupler le studio, le plateau et aussi mon quotidien des présences, gestes, images et attitudes qui me manquaient. Jai décidé de me confronter à l’écart quil y avait entre mon corps et les corps souvent pris par mon attention au Brésil ; ceux qui nexistaient plus dans mon nouveau territoire de vie, à Angers, en France. Jai choisi la mémoire et les sensations de certaines personnes que javais habituellement face à moi et avec qui j’établissais des formes de parenté comme une façon de penser, sentir et pratiquer la danse. Limagination est venue jouer un rôle décisif dans ce point de départ : faire le retour vers un continent en gardant le dépaysement comme condition principale, intensifier les affects, adresser au public toute une autre multitude d’êtres éloignés de ces lieux dorigine, et chercher leurs visibilités et résonances dans mon corps qui souvrait à une véritable transformation liée à son nouveau contexte de vie.

 

Grâce à linvitation de Mickaël Phelippeau, la confrontation à laquelle je mengage est toute autre : transmettre limaginaire évoqué par Ciel en trouvant des modes d’énonciations capables de transformer une pratique existante au préalable par le faire des amateurs rencontrés à Guisseny pendant dix jours de travail. Ensemble, on va reprendre les notions dadresse, dincarnation, de figuration, de possession, de géographie turbulente et de communauté à lintérieur de soi. On va danser le regard, on va croiser leur température, on va habiller les yeux. On va multiplier le solo : faire sortir la communauté que j’ai essayé de danser en étant tout seul sur scène pour maintenant le faire vivre dans plusieurs corps. On va reformuler lensemble des attitudes étrangères, inexploitées, inaperçues et qui sont en même temps présentes en nous-mêmes. On va danser l’écart entre limage quon pense avoir et celle quon a des autres, a priori de ceux quon suppose ne pas appartenir à notre monde. On va, avant tout, laisser le ciel conduire.

 

Volmir Cordeiro

Né au Brésil en 1987, Volmir Cordeiro a dabord étudié le théâtre pour ensuite collaborer avec les chorégraphes Alejandro Ahmed, Cristina Moura et Lia Rodrigues. Il intègre la formation « Essais » en 2011 au Centre National de Danse Contemporaine dAngers - Direction Emmanuelle Huynh et écrit actuellement à luniversité Paris-8 une thèse (boursier CAPES/BR) sur les figures de la marginalité dans la danse contemporaine. Dans son premier solo, Ciel (2012), Volmir Cordeiro a cherché à éprouver dans une adresse directe au public les solitudes de celles et ceux que la vie a condamné à affaiblir, disparaître, dérailler. ll a récemment intégré le projet Rétrospective de Xavier Le Roy à Salvador de Bahia, Rio de Janeiro et Paris, et est interprète de la prochaine création dEmmanuelle Huynh. 

 

http://le-poulailler.fr/2014/09/a-la-marge-volmir-cordeiro-a-domicile-autour-de-la-danse-contemporaine/